Le truc de mars 2006

Donner un coup de main à l'Education nationale

L'Education nationale française est un monde réputé immuable.
Les différentes parties prenantes semblent incapables d'échanger. Et on chercherait en vain les habituels facteurs de changement.
Malgré les moyens dont dispose cette énorme organisation, toutes les parties prenantes souffrent.
Pourtant, des opérations simples et peu onéreuses, susceptibles de faire sauter certains verrous, qui mettraient à contribution des représentants des parties prenantes les plus nombreuses (élèves, enseignants, administration, parents) peuvent être imaginées.


La capacité à échanger des parties prenantes est infime

Les relations entre elles sont codifiées à l'extrême, figées. Chacune a ses propos convenus, ses entre-nous, son "catéchisme", exclusifs.

La parole est interdite, l'interdit rarement transgressé, la transgression immédiatement réprimée, tant les conséquences d'une parole non contrôlée sur l'équilibre général sont craintes, y compris par ceux qui ont envie de la dire ou de l'entendre.

Toute critique ou proposition d'évolution, d'où qu'elle vienne, est perçue comme une attaque ; contre l'objet, l'éducation des enfants et des adolescents, les acteurs, les enseignants et l'administration, l'institution elle-même.

Les attentes affichées par les différents acteurs le démontrent

Les attentes de l'administration sont émises sous la forme d'un programme à "suivre" et à "finir".
Rien n'est dit sur la mission, ni du professeur, ni de l'année ou du cycle en cours, ni de l'établissement, ni de l'institution.
Sauf dans les "textes", auxquels il n'est généralement fait référence que pour rappeler une procédure.

Les attentes des parents pour leurs enfants sont vertigineusement diverses, de la simple acquisition de connaissances à l'apprentissage de la vie sociale et à la maîtrise de ses règles et astuces.
Elles ne sont cadrées par aucune norme sociale reconnue, par aucune politique publique affichée.

Les attentes des syndicats d'enseignants sont de "moyens", exprimés en volume d'effectifs et montants de rémunération.

Celles des enseignants ? Je viens de vous le dire. Il n'est pas imaginable qu'ils aient d'autres attentes !

Celles des élèves ? Ils ne sont pas là pour avoir des attentes !

L'analyse des possibles facteurs de changement est éclairante

Il ne semble pas y avoir de transmission opérationnelle, aux enseignants, des produits de la recherche et du développement en pédagogie ; encore moins d'évaluation et de communication de l'évaluation des résultats de leur application pratique.

Les principaux facteurs influençant la carrière sont l'acquisition automatique de points et la mise au mouvement de postes.

L'évolution des attitudes et des pratiques, en cohérence avec celle de la société, semble exclusivement portée par la qualité de citoyen de chaque enseignant.

Les alliances de deux des parties prenantes (par exemple enseignants-élèves, enseignants-administration, enseignants-parents) pour avancer sur un objectif sont certes fréquentes, mais toujours locales, conjoncturelles et donc fugaces.

Les relations entre les organisations syndicales et l'administration centrale ressemblent à la vie d'un village traversé par une zone démilitarisée.

Bien plus qu'à l'affrontement entre deux blocs qu'ils donnent régulièrement à voir par l'intermédiaire de la presse.

Elles sont ponctuées par un certain nombre de rites.

Les réformes ministérielles :
Leur publicité et leur mise en place s'organisent en dépit des enseignants.
Les négociations sont des opérations d'intimidation et d'estimation des rapports de force, les concertations des écrans de fumée pour masquer la nature des négociations.
Elles portent le nom d'un ministre et ruinent sa carrière politique.
Ce n'est pas surprenant, si l'on constate qu'évaluées à l'aune de l'efficacité moyenne des activités humaines, celles des dernières décennies ont été des ratages ou des non événements.

Les commissions paritaires :
Elles suivent trois règles écrites : appliquer les textes, appliquer les textes et appliquer les textes.
Et trois règles non écrites : échanger de menus services pour avoir la paix, échanger de menus services pour avoir la paix et échanger de menus services pour avoir la paix.

La défense des enseignants contre les sanctions administratives :
C'est un exercice rare. Mais peu de sanctions pour des actes délictueux ou des fautes graves ou lourdes, peu de radiations pour absence prolongée de service, y échappent.

Toutes les parties prenantes souffrent de cette situation

Le travail des enseignants n'est pas reconnu, ni en qualité, ni en quantité.
Leurs difficultés sont niées par les uns, détournées par les autres. L'apport d'un soutien à un enseignant est exclu : amical, il serait une atteinte intolérable à l'indépendance du professionnel et à la dignité du collègue ; et l'administration "n'a pas de moyen".
L'évaluation de leur travail est presque exclusivement limitée à l'auto-évaluation, elle-même centrée sur le feed back des élèves, sous forme de manifestation d'intérêt pour la matière et de tenue en classe.
Collectivement, on se référera à la réussite aux examens !

Le rôle dévolu à l'administration des établissements est tout simplement impossible à assurer dans la durée, faute d'existence réelle, mis à part l'affectation des salles de classe et l'élaboration des emplois du temps des dits établissements.
Aucun pouvoir formel, aucune finalité ou cible globale porteuse de sens à atteindre, peu de visibilité sur les réalisations des autres… l'administration des établissements n'a véritablement que deux moyens d'action à sa disposition : sa bonne volonté diligente, dont la réussite toujours locale et temporaire peut donner lieu à des succès d'édition, et sa capacité de nuire.

Les parents sont démunis face au bunker lisse et ritualisé, mais sans règle partagée, auquel ils sont liés pour le meilleur et pour le pire.
Heureux quand leur enfant "suit", ils peinent souvent à trouver un appui dans le cas contraire.
Ceux qui le peuvent ont l'impression d'avoir fait l'essentiel pour leurs enfants quand ils ont pu ruser avec la carte scolaire.

Les élèves sont au point le plus bas de la chaîne.
Objets, ils subissent, sans motif et sans logique apparents, les passages d'une méthode à l'autre, d'une attitude à l'autre, faisant ainsi l'apprentissage de la richesse de la diversité du Monde, par la face Nord.
Les privilégiés enchaînent heure après heure jouissance de l'apprentissage, effort pour se construire et parfois un certain d'ennui.
Ceux qui n'ont pas cette chance, confrontés au désespoir de l'impossibilité à capter quoi que ce soit d'utilisable au cours de journées longues comme des années, sont pour l'Education nationale, en plus nombreux et bien réels, l'équivalent des fameuses pertes auxquelles la rumeur publique disait que l'Armée avait droit, il y a très longtemps.

Pourtant, quelle puissance, quel potentiel !

Presque un million d'enseignants.

Des niveaux élevés de formation universitaire.

Une conscience professionnelle opiniâtre et une étonnante capacité à trouver du ressort au quotidien, alors même que les maisons de repos spécialisées sont, semble-t-il, pleines.

Un volume d'expérience extraordinaire, de plus d'un milliard d'heures chaque année, passées à vivre des situations et à pratiquer des méthodes d'une richesse inouïe.

Une structure fonctionnelle considérable.

Une disponibilité latente de quantité de parents pour avancer et soutenir des projets clairs…


Deux première pistes pour avancer :

Un des facteurs possibles de déblocage de cette situation est la création d'un lieu de dialogue en ligne.
Le dialogue peut se développer à partir de l'appréciation de chaque partie prenante par les autres, de l'expression de chaque partenaire sur les autres, par établissement et par classe.
Le pari, parce qu'il y en a un, est que la qualité des propos et l'envie d'avancer ensemble qui s'en dégagent créent l'envie de dialogue et de transgression de l'interdit qui l'empêche aujourd'hui ; au niveau individuel et local, à celui de l'établissement ou à celui du pays.
De ce dialogue pourront naître des mouvements de traitement des problèmes communs et, tout simplement, de valorisation du travail de tous, chaque fois par la coopération d'au moins trois des partenaires.

Un autre levier possible est la création d'occasions, pour des groupes d'enseignants :
1 de réfléchir à leur rôle et de le formaliser en termes de mission, de responsabilités et d'activités principales, comme on le fait avec d'importants bénéfices individuels et collectifs pour n'importe quel autre emploi,
2 de partager leurs visions individuelles de leur mission et d'échanger sur la signification des différences,
3 d'identifier les leviers à leur disposition et les obstacles qu'ils rencontrent, de cerner donc ce dont il ont vraiment besoin, sur la base éventuelle d'une description d'emploi commune.
Et de diffuser les résultats à l'ensemble de la profession.


Soyez les premiers informés
Février 02
Mars 02
Avril 02
Mai 02
Juin 02
Eté 02
Septembre 02
Octobre 02
Novembre 02
Décembre 02
Janvier 03
Février 03
Mars 03
Avril 03
Mai 05
Décembre 04
Octobre 05
Février 06
Février 2008
Mars 2006
Mars 2005
Juin 05
Décembre 2008

 
 
  Copyright 2001 - M2C